Francophonie et mondialisation : enjeux et perspectives (André Liboire TSALA MBANI)

Résumé

La francophonie est un lieu de mémoire, pour paraphraser le titre d’un ouvrage monumental de Jean Tabi Manga1, c’est-à-dire un réceptacle de souvenirs, de représentations, des imaginaires et de valeurs qui sédimentent et cristallisent des identités multiples et diverses sous la bannière de la langue française. Historiquement, le terme « francophonie » voit le jour sous la plume du géographe français Onesime Reclus (1837-1916) en 1880 dans l’optique de désigner l’ensemble des populations, à l’échelle du globe, usant de la langue française. Le terme « francophonie » est donc un concept essentiellement linguistique2.
Peu à peu, malheureusement, le concept va sombrer dans l’oubli. Comme s’il ne charriait aucune valeur ajoutée en termes de résonance et d’intérêt culturel et politique. Il a fallu s’armer de patience et attendre la période des indépendances politiques africaines pour voir émerger à nouveau le substantif « francophonie » sous la plume de Léopold Sédar Senghor3, à la faveur d’un article de notoriété universelle paru dans la revue Esprit en 1962. Dans cette publication scientifique, en effet, l’homme de culture sénégalais en appelle à la définition d’une communauté politiquement organisée de peuples ayant en commun l’usage du français et partageant les valeurs humanistes. Cette approche senghorienne résonne comme le signe avant coureur du concept structurant de « communauté organique » qu’il proposa autour des années soixante-dix et qui, lui-même, préfigurait la Francophonie politique.
Ce concept structurant hanta à coup sûr les travaux qui ont vu naître à Niamey au Niger l’Agence de Coopération Culturelle et Technique, première institution intergouvernementale de la Francophonie, en mars 1970. Les travaux de Niamey constituent la première étape de la Francophonie des États, tandis que le Sommet de Versailles en 1986, sous la présidence de François Mitterrand, en est la seconde étape.